« Le contraire absolu du leadership, c’est le trailership qu’on appelle aussi parfois le band-wagon effect. Un trailer, c’est une remorque. Comme chacun sait, une remorque n’a pas de moteur. Ce sont des forces extérieures qui la tirent ou la poussent. Lorsque aucune force extérieure n’agit sur la remorque, elle reste immobile. »

« La dromomanie (du grec dromos = cours, vitesse ; mania = folie, obsession) est une des caractéristiques clés de notre époque. Les hommes sont nombreux à se faire rôtir et à carboniser sur le grill de l’accélération maximale. Un travail créatif suppose que l’on travaille vite et intensivement tout en ayant le loisir de rêver tranquillement. »

« Notre société regorge de fonceurs roublards. Mais elle manque d’hommes sages, soucieux de bien réfléchir et de comprendre avant d’agir. Il y a trop de spécialistes aux dents longues qui adorent les sprints spectaculaires, mais pas assez d’hommes mûrs capables de supporter stoïquement la solitude du coureur de fond.

Nous manquons cruellement de dirigeants qui comprennent qu’un réseau relationnel est plus fragile qu’une toile d’araignée et qu’il faut se montrer délicat si l’on veut faire vibrer ce réseau. Nous manquons d’hommes visionnaires qui comprennent que la subtilité et l’honnêteté dans les relations avec autrui sont d’une importance stratégique capitale. »

« Un débat sur le leadership qui n’est pas ancré dans la mythologie ressemble à une vigne dont les racines ne sont pas assez profondes : jamais elle ne pourra s’épanouir, fleurir et porter des fruits. » « L’essence d’un véritable leadership créatif est connue depuis fort longtemps. Dans le royaume des ombres du subconscient collectif, ancrés dans les gènes, se trouvent les modèles primitifs, les archétypes du leadership créatif.

Ceux qui réussissent à établir ce contact développeront une identité forte et authentique. La puissance de cette identité les rendra capables d’endosser le rôle du leader créatif et de le jouer avec succès, dans l’intérêt de la société. »

Gottlieb Guntern, Pour un Leadership créatif, La médiocratie démasquée, Ed. Village Mondial, 2001

Leaders vs. Managers ?

« Le terme manager vient du latin manus, qui signifie main. Cette racine a donné diverses branches étymologiques dont l’italien maneggiare et le vieux français manège, désignant le lieu où l’on entraîne et où l’on dresse les chevaux. »

« La racine étymologique des termes anglo-saxons lead, leader et leadership est laed, qui signifie chemin ou route, le verbe leaden voulant dire voyager. Le leader est pas conséquent celui qui marche en tête et qui indique le chemin à ses compagnons de voyage. » « Cette origine suggère un objectif moins immédiat, à portée plus lointaine que le dressage d’un cheval. »

« Les leaders sont tournés vers l’avenir, alors que les managers se concentrent sur le présent. Les leaders apprécient le changement, alors que les managers préfèrent la stabilité. Les leaders sont engagés dans une vision, alors que les managers (…) sont centrés sur la procédure. Les leaders cherchent à connaître le pourquoi et les managers le comment. »

« Les leaders savent déléguer, alors que les managers veulent contrôler. Les leaders simplifient, alors que les managers se plaisent dans la complexité. Les leaders se fient à leur intuition, alors que les managers s’appuient sur le raisonnement logique. Les leaders tiennent compte dans leur vision de l’environnement social au sens large, alors que les managers se limitent davantage à ce qui se passe dans l’entreprise. »

Le leader, un individu en bonne santé ?

« Les individus « en bonne santé » (…) possèdent une idée de leur identité qui est stable, ils savent qui ils sont. » Ils « sont capables de supporter l’épreuve de la réalité [et] recourent à des mécanismes de défense d’adultes mûrs dans leurs rapports avec le monde extérieur. Ils assument la responsabilité de leurs actes (…). » « Ils croient fermement en leur capacité à contrôler (ou à influencer) le déroulement de leur vie. » « Ils vivent intensément, tout ce qu’ils entreprennent les passionne. » Ils « accordent une grande valeur à l’intimité et à la réciprocité dans leurs rapports avec les autres. »

« Les individus en bonne santé se voient comme partie d’un groupe plus large (…) ils se sentent reliés aux autres. » Ils « savent aborder l’ambivalence et ont une vision équilibrée d’autrui. » « Ils ont la capacité de reformuler leurs expériences de manière positive et sont capables de se forger une image optimiste du futur », « (…) ils gardent foi en l’avenir ». « Les individus en bonne santé savent s’observer et s’analyser. Ils consacrent volontiers du temps à l’introspection. »

Manfred Kets de Vries, La face cachée du leadership, Ed. Village Mondial, 2007 (The Leadership Mystique, Pearson, 2006)

Pourquoi s’intéresser aux dirigeants narcissiques ?

Parce que ce sont les champions de la création de valeur et qu’ils sont parfaits pour gérer le changement et construire là où personne ne l’aurait imaginé : ce sont des entrepreneurs-nés. Mais si les leaders narcissiques peuvent générer d’énormes succès, ils peuvent aussi causer de terribles échecs. En fait, tout dépend de leur capacité d’exécution et donc de leur intelligence systémique qui est l’antidote de leurs excès potentiels : en cas de succès, ils peuvent perdre le sens de la réalité.

Les dirigeants au narcissisme productif :

Ils sont enthousiastes (Passion is purpose).
Ils ont une vision et veulent changer le monde. Ils ont une mission, ils sont en croisade.
Ils sont charismatiques : les narcissiques productifs, ceux qui changent effectivement le monde, n’avancent pas seul. C’est d’ailleurs la seule chose qui les rassure vraiment dans la vie : être suivi.
Ils sont indépendants d’esprit et aiment le risque. Ils étaient généralement des élèves moyens voire médiocres, peu impliqués : ils ont besoin de trouver par eux-mêmes les réponses et ne s’intéressent qu’à ce qui… les intéresse. Ils rejettent le statu quo mais ne sont pas rebelle… puisqu’ils ne reconnaissent tout simplement pas d’autorité contre laquelle se rebeller. Souvent isolés, ils ont développé leur propre discours intérieur : discuter avec les autres les intéresse alors assez peu, sinon pour tester leurs idées.
Leurs processus d’apprentissage sont grands ouverts (Voracious learning, Greed for knowledge) : ce qui les motive, c’est l’information, apprendre et comprendre. L’argent est souvent secondaire.
Ils sont persévérants (résilients).
Ils sont vigilants (Alertness to threats) : leur principal intérêt est leur propre survie. Leur instinct de conservation alimente une certaine paranoïa : vous êtes avec eux ou contre eux. Ceci leur donne aussi une certaine intuition des changements de cycles (Market timers, Asset managers).
Ils ont le sens de l’humour : la capacité à se moquer de soi-même est un marqueur du narcissisme productif vs. improductif.
Les dirigeants au narcissisme (auto)destructeur :
Ils n’écoutent pas, surtout les critiques.
Ils sont paranoïaques, ce qui peut devenir une réelle menace pour l’organisation.
Ils sont colériques, peuvent être sadiques et méprisants, ce qui est… improductif sauf s’ils ont trouvé la façon de canaliser et d’utiliser cela afin de tirer le meilleur de leurs salariés.
Ils sont trop dans le contrôle et la compétition, ce qui peut les empêcher déléguer, de s’entourer de personnalités complémentaires, capables de les critiquer. Ce qui est un risque majeur car ils sont sensibles à la flatterie.
Ils sont isolés : pour sortir de l’isolement il faut qu’ils arrêtent d’instrumentaliser les autres (séduction).
Leurs exagérations et leur façon de nier les obstacles peuvent aller jusqu’au mensonge et à la fraude.
Ils manquent d’empathie et de conscience de soi (intelligence émotionnelle).
Ils sont grandioses, vivent grand train et le succès leur fait tourner la tête.
L’intelligence systémique : un marqueur du narcissisme constructif. Elle s’articule autour de pôles de compétences interconnectés (rhizome).
L’anticipation, car perception claire de l’interdépendance des choses (pensée systémique et contextuelle)
Le Storytelling, car accès au fil narratif et capacité de visualisation (utilisation d’images, de métaphores)
La motivation & l’entrainement des personnes : permettre aux autres (The social system) d’adopter l’objectif et d’implémenter la vision. > C’est souvent le point faible des dirigeants narcissiques. Plus généralement, très peu de dirigeants sont capables de mettre en place une organisation qui adopte leur façon de penser. Les dirigeants narcissiques ont souvent besoin d’un manager (CEO ou DG) pour assurer l’exécution
Le sens du partenariat et de l’alliance stratégique.

Michael Maccoby, The Productive Narcissist, The Promise and Peril of Visionary Leadership, Broadways Books, 2003. Traduction par Matthieu Langeard (complétée de quelques notions), août 2008.

La musculature psychique du dirigeant

A l’adolescence, l’individu acquière la « musculature psychique nécessaire à l’abandon de la toute-puissance et à l’acceptation de ses zones d’impuissance. » « La musculature psychique permet au [dirigeant] (…) d’intégrer les savoirs, savoir-faire, mais aussi doutes et critiques des salariés (…) sans crainte pour sa propre compétence. » Ce qui lui permet « d’embaucher plus fort que lui, et ce dans bien des domaines techniques. »

Il « sait, d’une part, qu’il ne peut être compétent partout, et, d’autre part, que même si cela était possible, cela serait plus dangereux qu’utile. Cela le dissuaderait de continuer d’accepter les idées des autres comme de pouvoir remplir une de ses fonctions : celle de [dirigeant] arbitre nécessairement capable, alors, de se préserver une vue d’ensemble, une vue systémique, et ainsi de s’abstraire d’une partie de la technique. »

« La reconnaissance de ses zones de puissance assure au [dirigeant] (…) la capacité de construire et de préserver une image de lui suffisamment affirmée et solide de sa compétence. » « De fait, [sa] musculature psychique [le protège] du risque de déstructuration narcissique. »

« La musculature psychique n’exonère pas le manager génital d’éprouver de la douleur ou de la souffrance lorsque celui-ci se cogne à ses zones d’impuissance. Bien au contraire, la musculature psychique permet au [dirigeant] (…) de reconnaître cette souffrance ou cette douleur et d’y réagir pas les mécanismes de [régulation] adéquats. »

Loïck Roche, Psychanalyse, sexualité et management. Toute-puissance, impuissance et puissance des managers, L’Harmattan, 1995

La culture du nouveau capitalisme

La culture du nouveau capitalisme est faite de mobilité, de conditions sociales instables et fragmentaires, de perte de repères… Elle exige 1/ de savoir gérer des relations de court termes 2/ de se gérer soi même tout en migrant sans cesse 3/ de s’improviser son récit de vie puisqu’il n’est plus « donné » 4/ de savoir vendre son potentiel et non plus son expérience passée, de ne plus raisonner en termes de savoir faire, de métier (les compétences ont la vie brève)… bref, tout le contraire de ce dont les gens ont besoin.

Le salarié qui maîtrise son métier peut paraître « polarisé », à l’opposé du consultant, « qui s’en va aussi vite qu’il est arrivé sans jamais faire son nid ». Au sein de la culture du nouveau capitalisme, « l’impatience est institutionnalisée. » « L’accent est mis sur de menues tâches urgentes ». « L’entreprise s’enfle ou se contracte, passe d’une tâche à une autre : la main-d’oeuvre est casualisée, aléatisée. »

« Ce changement structurel est caractérisé par une diminution de la loyauté, de la confiance et du savoir dans l’organisation – toutes choses qui demandent du temps. Or le capital social d’une entreprise est constitué des jugements que les gens portent sur leurs engagements. Il est donc faible s’ils jugent que leurs engagements sont de piètre qualité. »

« La loyauté est donc le test essentiel du capital social. » Elle est très extrêmement faible dans les institutions de l’arête tranchante du capitalisme (haute finance, technologie de pointe et services sophistiqués…) qui diffusent au reste de la société civile leurs « valeurs ».

Certains gourous du management ont annoncé la mort de la loyauté

Chaque employé vigoureux devrait se conduire comme un entrepreneur… Pourtant « la loyauté est ingrédient nécessaire pour survivre au cycle économique » : les entreprises ont besoin que les salariés acceptent des sacrifices en période de crise.

« L’érosion de l’éthique (…) n’est peut-être nulle part plus marqué que dans le domaine de la planification stratégique personnelle. » Les individus se focalisent sur leurs ambitions, les gains stratégiques ne sont plus pensés à long termes, mais dans des perspectives immédiates. »

« La capacité même à verbaliser des objectifs se perd alors qu’il devient plus difficile de « trouver un langage assorti à ses impulsions ». Les gratifications finales sont moins définies, les désirs sont plus amorphes. « On se désengage de la réalité pour échapper à son contrôle. »

Trois valeurs critiques sont de nature à créer un ancrage culturel : le fil narratif*, l’utilité et le métier. Dans la progression narrative, les événements inscrits dans le temps s’enchaînent, l’expérience s’accumule. L’agent narratif s’implique activement et interprète son expérience. « Dans les nouvelles institutions, les gens peuvent succomber au sentiment de n’avoir aucune action narrative, autrement dit, ils manquent du pouvoir d’interpréter ce qui leur arrive. »

Richard Sennett, La culture du nouveau capitalisme, Ed. Albin Michel, 2006

* « L’identité narrative de l’individu est liée au « pouvoir raconter » et « pouvoir se raconter », se raconter autrement. « Par ce mot « autrement », une problématique entière est mise en mouvement, celle de l’identité personnelle associé au pouvoir raconter et se raconter. » Le « rassemblement de la vie en forme de récit est seule susceptible de donner un point d’appui à la visée de la vie « bonne » (…). » Paul Ricoeur, Parcours de la reconnaissance, Ed. Stock, 2004

L’entrepreneur est comme le héros de la mythologie

« Il parcourt trois étapes :
Le passage du familier et confortable… vers l’inconnu
La traversée de nombreux obstacles qui s’opposent à la réalisation de son rêve
Le succès qui rayonne sur l’ensemble de sa communauté. »
« À la première étape de son voyage héroïque, l’entrepreneur remet en question le statu quo. Il ne se laisse pas intimider par les obstacles et les défis. Il est naturellement optimiste. Il visualise une meilleure façon d’accomplir une tâche, de satisfaire une demande ou un besoin. Il refuse les idées préconçues traçant les limites entre le possible et l’impossible. Bref, il jouit d’une grande liberté et il en assume les conséquences. »

« À la deuxième étape, l’entrepreneur se retrouve en territoire inconnu. Il est sans cesse confronté aux embûches. Au cours de cette deuxième étape il est continuellement mis en échec par les tenants du statu quo. Ses anciens collègues qui comptaient sur lui pour sauver le système, au mieux, le jalouseront, au pire, le considéreront comme un traître qui abandonne le navire. Ses parents et amis lui reprocheront de tout sacrifier à la poursuite de son rêve. Il doit persister malgré les désaveux, les erreurs et les échecs. »

« À la troisième étape l’entrepreneur offre finalement son produit ou service à la communauté. La profitabilité de l’entreprise mesure le degré de création de richesse de son projet. Les profits sont sa récompense pour avoir amélioré le sort de ses concitoyens. Ainsi, en créant de la richesse, l’entrepreneur devient bienfaiteur. Il offre à ses semblables des produits et services qui ne seraient pas disponibles autrement, du moins pas aux mêmes conditions. »

« Une société qui compte peu d’entrepreneurs est une société vouée à stagner ou pire encore, à régresser. L’entrepreneur est garant de la liberté, de la créativité et du dynamisme d’une communauté. Pourtant, la liberté dont jouit l’entrepreneur est perçue comme un danger. Il est étouffé par une règlementation sclérosante et coûteuse conçue pour satisfaire les éléments les plus frileux et les plus dépendants de la société. »

« Sa nature résolument individualiste et une confiance inébranlable en ses capacités le motivent à affronter et à surmonter les nombreux obstacles placés sur son chemin. Ce faisant, il froisse nécessairement les susceptibilités des bureaucrates. Dans un tel contexte il est plutôt surprenant qu’il y ait encore des Québécois qui osent s’aventurer comme entrepreneurs. Comme pour les artistes et les athlètes, c’est seulement en valorisant l’entrepreneuriat que nous permettrons aux meilleurs et au plus grand nombre de percer et de réussir. »

Serge Rouleau, www.quebecoislibre.org/06/061029-3.htm

La vie dont vous êtes le héros

« On pourrait définir la vie comme une pédagogie, à la recherche du sens. C’est, en somme, ce que disent les mythes qui, de plus, ont une interprétation à offrir et un modèle à proposer : le héros – rien de moins ! C’est en lui-même que le héros doit confronter l’adversité et remporter une victoire décisive sur l’ennemi, le monstre, le dragon, c’est-à-dire libérer en lui ce qui est enchaîné, éclairer ce qui est dans l’ombre. »

« Le monstre, il est en chacun de nous : la libération revient en fait à se libérer de l’état léthargique qui nous empêche de devenir ce qu’on est essentiellement. Il faut donc tuer le monstre, c’est-à-dire mourir à ce niveau de son être pour renaître au niveau du héros, qui est l’aspect supérieur de notre nature. »

« La séparation d’avec la mère demeure l’archétype de toutes les étapes de la transformation au cours de la vie, qui causent toujours une séparation. Avec ce que cela suppose de souffrance. Mais aussi d’exaltation. Car il s’agit, à chaque étape, de mourir symboliquement à un niveau de conscience pour renaître à un niveau plus élevé. La résistance qu’on oppose au processus de transformation vient précisément de la souffrance causée par la séparation et par l’obligation de mourir à soi-même pour se redéfinir sans cesse. »

« Le seul problème qui se pose à l’homme, c’est la lutte contre le temps. Mais la lutte consiste, non pas à résister au temps qui s’écoule, mais à le remplir de mon action et de ma présence. Du point de vue de la structure, tous les mythes racontent la même histoire. Il s’agit toujours, en somme, du périple du héros dans le temps de sa vie qui se déroule en trois étapes : le départ, l’initiation, le retour. »

Le départ

« L’objet de cette phase est de réussir dans la vie. C’est le flanc ascendant de la vie. Dans la première moitié de sa vie, on doit réaliser l’adaptation au monde extérieur, il faut jouer le jeu de la société, remplir la fonction qu’elle nous impose ou qu’on s’impose, vivre le personnage, se faire reconnaître socialement, devenir adulte. Dans cette phase, on tend à se spécialiser. »

« Où qu’on soit, si on suit son intuition, on profite à tout moment d’un renouvellement de la vitalité intérieure. Suis ton intuition ! Bien sûr, il faut aussi user de sa tête, car le sentier est étroit et plein d’embûches. Un texte hindou le rappelle :  » C’est un sentier périlleux comme le fil du rasoir « . [En résumé, il s’agit de] se plier aux attentes du milieu… mais sans se perdre de vue. »

L’initiation

« On ne parvient à accepter inconditionnellement la vie que lorsqu’on a accepté la mort, non pas comme le contraire de la vie mais comme l’une de ses manifestations. Vaincre la peur de mourir donne le courage de vivre. Telle est l’initiation cardinale de toute aventure héroïque… C’est vers le milieu de sa vie que le héros doit résoudre pour lui-même l’énigme de la Sphinx. »

« Pour la première fois le héros a une vue d’ensemble du cycle de sa vie. Il prend alors conscience du chemin parcouru : le passé sur lequel il ne peut plus revenir et de l’avenir incertain, comme un abîme insondable – le temps qu’il lui reste à vivre… L’individu doit dépasser le niveau de l’être collectif auquel il se définissait surtout jusque-là pour parvenir à celui de l’être individuel, relativement libéré de ces conditionnements. Il lui faut maintenant devenir son propre père-mère. Son propre maître. »

Le retour

« L’objet de cette phase est de réussir sa vie. C’est le flanc descendant de la vie. Dans la seconde moitié de la vie c’est le rétrécissement et l’approfondissement qu’il faut considérer, afin de découvrir son monde intérieur. Dans cette phase, on tend plutôt à se généraliser et à s’approfondir. Le héros ne revient pas pour lui-même mais pour les autres, pour témoigner. »

« C’est en cela surtout, dans le fait de se donner à quelque chose de plus grand que lui, que réside l’épreuve déterminante que le héros doit surmonter. Le héros revient donc, en fait, pour se placer dans des situations qui vont favoriser l’éveil des aspects supérieurs de sa nature, afin de poursuivre sa croissance. »

« Une caractéristique de la maturité est la tolérance à l’ambiguïté… et même la contradiction. Elle se trouve dans la capacité de gérer le chaos, de pouvoir fonctionner en l’absence de valeurs stables, alors que les repères sont flous. Non seulement doit-on pouvoir tolérer l’ambiguïté, mais agir avec une certaine aisance dans les situations ambiguës. »

« Au fur et à mesure qu’on passe de l’être collectif à l’être individuel, on devient de plus en plus le principal agent de sa transformation. Ce qui peut se traduire par un sentiment d’isolement. Il importe alors de dépasser ce sentiment d’isolement par une compréhension et une acceptation de la solitude. La distinction entre les deux est capitale : alors que l’isolement se définit par rapport au monde extérieur, la solitude, elle, se définit par rapport à son monde intérieur. Accepter la solitude est une des épreuves qui permet au héros, au fur et à mesure qu’il avance, de parvenir à la maturité. »

[Le cycle d’une vie contient lui-même, sur le même principe départ-initiation-retour, des cycles plus courts, qui eux-mêmes contiennent…]

Joseph CAMPBELL, La puissance du mythe, J’ai Lu, 1988.
Jacques LANGUIRAND, La vie dont vous êtes le héros, http://radio-canada.ca/par4/ind/heros/vdh_intro.htm

L’entreprise reproduit – incarne – la structure psychique de l’entrepreneur-fondateur

L’organisation est « tout ce qui permet d’adapter le fantasme du fondateur au marché. » Elle « s’arrange pour adapter le mieux possible la production aux exigences de la réalité extérieure. » Cette fonction correspond à « celle du moi dans l’appareil psychique. Le moi, selon Freud, est une instance qui se développe au contact de la réalité (…).

Son rôle précisément est de permettre au désir de trouver satisfaction dans le monde extérieur. » Ce que l’entrepreneur recherche, « c’est que l’acheteur reconnaisse ce désir, en désirant lui-même le produit. » « Une entreprise économique, un organisme social, institutionnalisent le fantasme de leurs fondateurs. »

Le désir ne connaît pas le temps « mais la seule satisfaction dans l’immédiat ». Les opérations et les procédures dans l’entreprise visent « à introduire le temps dans une entité dont le fondement est un désir qui par nature est intemporel. »

Elles ont pour but un certain ordre qui tient « à ce que l’ensemble des fonctions communiquent entre elles et se positionnent dans un processus organisé. » « Ce rôle d’inhibition et de synthèse est aussi celui du moi. » C’est ce que Freud appelait l’énergie liée, tandis que le désir est animé d’une énergie libre.

« L’entreprise [étant] une projection de la structure psychique du fondateur (…) ses grandes fonctions vont pouvoir suppléer aux processus de la vie psychique de ce dernier. » « Le fondateur va déléguer à son entreprise des processus névrotiques [pour] ne pas les reproduire à titre individuel. Par le même mécanisme de la régression, il va se retrancher derrière le fonctionnement de l’entreprise pour l’accomplissement de certains processus psychiques. »

Se créée ainsi une osmose entre le fondateur et son entreprise. La capacité d’évolution de l’un est corrélée à la capacité d’évolution de l’autre, et vis versa. L’ouverture au changement de l’organisation est donc tributaire de la capacité de transformation personnelle de l’entrepreneur.

Le départ du fondateur de l’entreprise scelle son emprise, « son empreinte devient désormais très profonde » Il transmet un discours qui « la structure dans ses fondements » et « dont la vocation est de se répéter inlassablement ». « L’entreprise au fond, ne fait que reproduire la structure inconsciente de son fondateur », celle-ci est appelée à se reproduire dans le même discours. Cette répétition tend à être un obstacle au changement nécessaire pour s’adapter à l’évolution du marché.

Déléguer, c’est accepter de voir en face son désir caché dans l’organisation

« Si l’on admet que certaines procédures de l’entreprise, certains fonctions sont une expression des processus psychique du fondateur, il est aisé de concevoir la difficulté qu’il peut avoir à les abandonner à un autre. »

« Pour Freud, la réalisation de l’acte pouvait être une résistance, un façon de bloquer l’accès de la représentation à la conscience [il y a équivalence entre le faire et le dire]. Dans cette perspective, ne plus faire, c’est perdre une résistance, et dans le tiers auquel on délègue, on voit en face le désir caché dans le processus. Autrement dit, déléguer, c’est accepter un désir en le reconnaissant comme tel. »

« Le produit du conseil est de l’ordre de la rationnalisation intellectuelle. C’est une activité typique du moi qui cherche à maîtriser le désir. « La fonction du moi rationalisant est assumée par le conseil. » Tout ce passe comme si le cabinet de conseil n’avait pas de [désir], et seulement un moi. ce qui lui est tout à fait spécifique, c’est que ce travail de synthèse et de réflexion s’opère sur un désir qui n’est pas le sien, mais celui de ses clients. »

« C’est dire que si d’aventure ce discours comportait des bribes indésirables compte tenu des résistances internes du client, la responsabilité en incombe au conseil. On voit comment celui-ci peut jouer un rôle d’exutoire. »

« La demande est un des temps forts du développement du transfert. » « Le conseil doit prendre connaissance du problème à résoudre, et par conséquent les membres de l’entreprise cliente se voient octroyer une opportunité de s’exprimer sur leur fonction et la vision qu’ils en ont. »

« C’est précisément dans cette parole que s’installe le transfert de l’organisation cliente. » Au moment des recommandations, et plus particulièrement au moment de leur mise en place, le cabinet de conseil joue un rôle important de caution.

« C’est lui qui peut être amené à porter la responsabilité de la décision. Part ce biais, on voit bien comment toute l’organisation du client peut se tourner vers le conseil pour lui attribuer les causes de ses difficultés. C’est la définition du transfert. »

Didier Toussaint, Psychanalyse de l’entreprise. Inconscient, structures et stratégie, Ed. L’Harmattan, 2000

Entrepreneur : un métier d’homme

Les meilleurs entrepreneurs anticiperaient mieux que les autres le moment où la situation se retourne en leur défaveur (talent de Market timer). Paranoïa productive ? Plusieurs études (Insead, Harvard) expliquent cela par le fait que leur trajectoire de vie heurtée leur a appris, plus qu’à d’autres, le métier d’homme. Un texte étonnant, enseignement fondamental, sur la souffrance et la joie – vigilante – d’entreprendre.

« Lorsque j’emploie le mot « homme », j’embrasse évidemment… la femme. »

« Pour sauver ma peau, chaque pas est à inventer. Me mettre en marche, voilà ce qu’exige l’insoutenable précarité de mon être. » « Sur ce point, le faible ne serait-il pas avantagé ? Ne sent-il pas que suspendre la lutte, c’est risquer la chute ? » « Les échecs créent des êtres sans cesse aux aguets. »

« Souvent ce combat joyeux, voleur de temps et d’énergie, semble trop ardu, trop exigeant. Devant un si grand labeur, où trouver force et ressources, sur quoi fonder la volonté de résister ? » « Par une bien curieuse dialectique, le manque peut (…) devenir une source, un élan vers plus de bonheur. »

« Parler de la souffrance, pire, la vivre dans sa chair est une épreuve redoutable que le métier d’homme interdit d’éluder. Une personnalité ne trouve précisément sa quintessence que dans la virtuosité qu’elle déploie pour surmonter le mal. »

« Du tragique comme source – Parfois se produit le retournement : le tragique instruit. Qui le côtoie se forme. La sagesse fécondée par la souffrance, l’échec ou le retournement, nourrie par les obstacles vaincus au jour le jour, sera sans doute de quelque utilité. » « Pour qui se risque à renoncer aux illusions, la précarité même de la vie « risque » de devenir alors une source. »

« Chaque minute portant l’empreinte secrète du tragique, de la mort toute proche, il conviendra de l’habiter, d’y placer force et joie. Loin de terrasser, ce constat convie à une légèreté. Aucune naïveté, nulle insouciance dans cet état d’esprit pétri de profondeur. La légèreté fournit à l’apprenti du métier d’homme un outil bien précieux, une force inédite capable de dynamiter le monde. »

« L’homme ne se construit que dans la présence de l’autre. » « Rencontrer devient dès lors l’occasion de façonner les outils pour forger une individualité. »

Alexandre Jollien, Le métier d’homme, Ed. du Seuil, 2002

La maturité de l’ego est la clé.

Extrait du compte rendu du séminaire 17 juin 09 organisé par Finance for Entrepreneurs.

Trois constats nous incitent à penser que l’essentiel se joue au niveau de l’ego de l’entrepreneur. Autrement dit, toute la recherche accumulée depuis plus d’un siècle sur le narcissisme peut nous aider à baliser le terrain et donc agir, évaluer et accompagner les capacités entrepreneuriales et les risques humains liés aux dirigeants.

1) Les entrepreneurs sont des pionniers

Quelles qualités ont en commun les meilleurs développeurs de start-up ? 50 jeunes pousses ont été étudiées pendant 5 ans dans 20 pays différents par une équipe de recherche de la Harvard Business School (Walter Kuemmerle, A Test for the Fainthearted, Harvard Business Review, 2002) :
Capacité à déplacer les règles (parfois à la limite de la légalité)
Prise de risques personnels très importants (y compris celui d’aller en prison)
Flexibilité (business plan et business model peuvent évoluer)
Décisions rapides dans un environnement confus (crucial, nous y reviendrons)
Ambition forte mais persévérance et capacité à commencer petit
Besoin de reconnaissance ciblé (passer pour des voyous pendant quelques temps, auprès de quelques personnes, ne leur pose pas de problème)
Capacité à boucler des négociations (Deal closers).
Deux remarques : 1/ On retrouve là le profil d’entrepreneur schumpeterien (innovateur et flibustier) starisé dans les pays anglo-saxons (Branson, Murdoch, Jobs…) vs. le profil d’entrepreneur wébérien prudent et gestionnaire – cf. L’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme de Max Weber – plus apprécié en France (Michelin, Muliez,…) 2/ On retrouve chez les meilleurs développeurs de start-up (les juniors) les mêmes qualités que chez les tyccoons : les grands entrepreneurs internationaux (les seniors).

Questions : 1/ Si ce profil schumpeterien-aventurier est à privilégier pour faire sortir de terre un projet ambitieux – à seconder d’un profil wébérien quand l’entreprise prend de l’ampleur – comment s’assurer qu’il puisse respecter les parties prenantes de l’entreprise (salariés, associés, banquiers…) ? 2/ Quelles qualités fondamentales (configuration clé) génèrent et régulent ces tempéraments ?

2) Les entrepreneurs sont des leaders
Les entreprises ont été « sur-managées » au détriment de la créativité…
Le manque d’imagination et d’entrepreneurs, c’est la chute de nos sociétés.
Aujourd’hui, il n’y a plus que des gestionnaires.
Jean-René Fourtou

Deuxième constat nous incitant à penser que l’essentiel se joue au niveau de l’ego de l’entrepreneur : la distinction classique leader / manager. L’étymologie dit l’essentiel. Leader vient de laed, laeden (anglais ancien) : celui qui marche en tête et indique le chemin à ses compagnons de voyage. Manager vient de main, manège : où l’on entraine et dresse les chevaux. Divers sources, dont Manfred Kets de Vries, directeur de l’Insead Global Leadership Centre (La Face cachée du leadership, Ed. Village Mondial, 2007), font les distinctions suivantes :

Leaders / Managers
Recherchent le changement / Construisent de la stabilité
Sont engagés dans une vision / Sont centrés sur les process
Simplifient la complexité / Gèrent ce qui est compliqué
Se fient à leur intuition / S’appuient sur le raisonnement logique
Tiennent compte de l’environnement / Se concentrent sur ce qui se passe dans l’entreprise.
Trois remarques : 1/ Les fonds d’investissement anglo-saxons gèrent cette réalité de façon pragmatique (optimisée) en nommant souvent président l’entrepreneur fondateur (et/ou directeur de la recherche) et en embauchant un CEO (DG) pour le seconder. Les investisseurs français sont peut-être encore trop dans le mythe de l’homme orchestre, PDG, polytechnicien de préférence, et ont du mal à trouver une bonne place à l’entrepreneur fondateur, qui est alors disqualifié et, pour finir, remercié. Ce calcul, qui peut être payant à court terme (optimisation financière), se révèle souvent désastreux à plus long terme (optimisation entrepreneuriale)

2/ Le système scolaire, puis l’entreprise – donc les systèmes d’évaluation dominants – favorisent essentiellement les valeurs managériales qui tendent au conformisme 3/ Chaque dirigeant a en lui un leader et un manager, il est indispensable qu’il les fasse communiquer pour la réussite de l’entreprise (reconnaissance de ses limites et recherche de la complémentarité).

Questions : leader / manager, comment dépasser cette opposition binaire, cette contradiction ? Quelles qualités fondamentales (configuration clé) génèrent et régulent le leadership, sans disqualifier le management (l’exécution) ?

3) Les entrepreneurs sont créatifs (innovants)
Entre-prendre signifie prendre entre
donc rassembler des éléments existants
pour en faire quelque chose de nouveau.
Bob Aubrey

Troisième élément qui nous met sur la piste de la maturité de l’ego comme facteur clé de succès d’une start-up, l’étude de 91 personnalités hautement créatives (prix Nobels, grands entrepreneurs, artistes internationaux…) réalisée pendant 5 ans par une équipe de recherche de l’Université de Chicago (Mihaly Csikszentmihalyi, La Créativité, psychologie de la découverte et de l’invention, Ed. Robert Laffont, 2006).

Seul point commun aux individus hautement créatifs : la complexité. Soit des tendances contradictoires et extrêmes :
Enorme énergie… et besoin de repos fréquent
Intelligence… et naïveté
Discipline… et fantaisie
Sens pratique (détails)… et imagination (vision)
Humilité… et fierté
Intégration socio-pro… et rébellion (remise en cause du statu quo)
Objectivité… et passion
Souffrance… et grandes joies.
Trois remarques : 1/ L’individu créatif assume ses contradictions et son atypicité 2/ On retrouve dans le résultat de cette étude la notion de complémentarité des contraires chère à la plupart des sagesses du monde (Héraclite) : la piste doit être bonne 3/ Intégration socio-professionnelle / rébellion : Einstein par exemple n’aurait pas profondément marqué la physique moderne s’il n’avait pas été bien intégré/accepté dans son milieu professionnel (un créateur sans milieu est comme un pétard mouillé).

4) Quelles qualités fondamentales (configuration clé) génèrent et régulent ces tempéraments ?

Proposition 1 : le narcissisme positif

Le narcissisme est positif, constructif, quand l’estime de soi et la confiance en soi ont été fabriquées par l’entrepreneur lors de sa trajectoire de vie : par la traversée d’épreuves, de crises, et grâce à des rencontres clés. C’est donc un phénomène secondaire vs. le narcissisme primaire (de base) où l’estime de soi et la confiance en soi sont comme données au dessus du berceau par une fée (ou une grande école).

La question centrale de notre approche d’évaluation de dirigeants est donc : quels sont les moments et rencontres clés de votre vie ? Il est frappant de voir, par exemple, qu’un certain nombre de nouveaux entrepreneurs n’évoquent pas de rencontres clés : ils semblent s’être fait tout seuls, ce qui n’est ni souhaitable ni vraiment possible. L’accès à la gratitude, à la reconnaissance de ce que l’on a reçu des autres (ce qu’on leur doit), est un des marqueurs de la positivité du narcissisme.

Deuxième élément de définition de la maturité de l’ego : les aspirations grandioses (rêves, ambitions) sont toujours bien vivantes, mais ajustées. L’enfant nait un peu mégalo et tout puissant. A l’âge adulte, il doit garder ses rêves, ses ambitions – sinon il se banalise, il devient un mouton dans le troupeau – mais les ajuster au monde réel (principe de réalité), sinon il devient… vraiment mégalomane.

Entre banalisation et mégalomanie, la porte est donc étroite. Est-ce le chas de l’aiguille dont parle la bible et par lequel doit passer le chameau ? Je le crois. Ce fine tuning de l’ego est au cœur de la plupart des traditions culturelles et spirituelles. L’ego, c’est un boulet pour tout le monde. Mais mieux vaut en avoir que pas du tout. Surtout quand on est entrepreneur. Après, toute la question est de voir s’il est plutôt constructif ou… destructeur. Ce n’est jamais très net, ni définitif, mais il est important d’y regarder à deux fois avant d’investir.

Je vous présenterai dans la deuxième partie de ma présentation [p. 22] des fusées éclairantes qui nous permettent d’avoir une certaine visibilité concernant la configuration clé recherchée. L’approche postmoderne des sciences humaines (French Theory, i.e. G. Deleuze, M. Foucault, E. Morin,…) a calmée notre besoin d’une compréhension parfaitement rationnelle et exacte de l’humain (profiling) qui, définitivement, ne rentre pas dans les cases. L’évaluation des hommes dont être respectueux de la diversité et de la complexité des personnes pour être… efficace.

Les bénéfices de la relative maturité de l’ego sont considérables :
La tolérance à l’ambigüité et à la contradiction. On retrouve là 1/ la capacité à prendre des décisions rapides dans un environnement confus de pionnier (le manager d’une business unit de Nestlé qui a besoin de consulter dix personnes avant de bouger le petit doigt n’est pas adapté à l’environnement hautement entrepreneurial d’une start up) 2/ la capacité à simplifier la complexité du leader 3/ la principale caractéristique de l’individu créatif
Une bonne compréhension / acceptation de la solitude. C’est la principale épreuve évoquée par les entrepreneurs
Une moindre prise à la soumission : cf. la capacité du pionnier à déplacer les règles, bouger les lignes, parfois à la limite de la légalité
Le sens du collectif (et même de la « mission » disent les américain avec un sens certain du marketing). C’est un autre marqueur important du narcissisme positif. Il est donc toujours intéressant de voir si l’entrepreneur est, d’une façon ou d’une autre, un peu transcendé par autre chose que son intérêt personnel. Selon Joseph Campbell, anthropologue américain, les mythes du monde sont tous porteurs d’un même modèle, d’une même pédagogie : le héros (ou l’héroïne). Il lui arrive généralement une aventure en trois temps. 1/ Le départ : remise en cause de statu quo, prise de risque, début de la trajectoire solitaire. 2/ L’aventure initiatique : les épreuves, les crises, et les rencontres clés. 3/ Le retour : fort de son parcours, le héros met son expérience au service de sa communauté. Servir est donc le mot clé.

Proposition 2 : la conscience de soi, qui est à la fois l’agent et le garant de la positivité du narcissisme

Elle permet les phénomènes suivants :
La reconnaissance de ses limites et la valorisation de la complémentarité vs. compétition. L’entrepreneur doit pouvoir recruter des gens plus forts que lui, et faire grandir ses collaborateurs sans se sentir fragilisé
Les gains sont pensés à long terme : ce qui donne le sens de l’engagement et de l’alliance stratégique (cf. le problème des bonus des traders dans les banques). L’entrepreneur est temporalisé, il inscrit son action dans le temps
La capacité à faire des liens, à apprendre de ses erreurs et être son propre coach
L’identification à des mentors (admiration, envie) peut être constructive. La sympathie, les affinités, sont au cœur des processus d’apprentissage (cf. les notes d’un élève qui sont bien meilleures quand il apprécie sont professeur). D’où l’intérêt, à ce niveau là aussi, de vérifier que l’entrepreneur intègre bien des rencontres clés à son récit de vie : c’est un marqueur de l’ouverture de ses processus d’apprentissage. Or c’est crucial : la transformation personnelle est une des composantes fondamentales du phénomène entrepreneurial (l’autre étant la création de valeur). L’entreprise évolue rapidement. L’entrepreneur doit pouvoir accompagner cette évolution par son développement personnel.