Psychologie Entrepreneuriale & French Theory

Notre approche de la psychologie entrepreneuriale est à la croisée de la psychologie négative (soigner ses blessures) et de la psychologie positive (réaliser son potentiel). Elle se situe au coeur de la French theory.

« French theory » est le nom donné dans les universités américaines à un mouvement international, transdisciplinaire et flou qui a essaimé de France à partir des années 60. Son objectif est l’intensification de la pensée et de l’action. En voici les grandes lignes.

  1. Les grandes découvertes du XXe siècle ont remis en cause l’approche scientifique moderne héritée des Lumières. Celle-ci visait le contrôle et la maîtrise du réel, alimentée par la prétention à la cohérence absolue.
  2. L’approche postmoderne assume son statut d’aventure. Le chercheur sort de l’ornière des normes à vocation universelle. Il s’extrait des dogmes à caractère de quasi lois physiques qui avaient pour objectifs de simplifier la complexité du réel pour s’en protéger, qui la résorbait dans l’idée, la rationalisait dans un système, et la normalisait en éliminant l’étrange, le mystère.
  3. La démarche scientifique postmoderne prétend à la vérité une fois les objections compétentes consultées et levées. La recherche reste rationnelle mais s’ajuste. Elle tend à l’objectivité sans en faire une fixation, l’enjeu étant placé ailleurs : appréhender la complexité du réel sans trop la mutiler.
  4. L’approche scientifique se fait plus humble et… plus ambitieuse, plus exigeante : elle interpelle la subjectivité du chercheur. Ses préjugés, ses a priori implicites (contenus dans ses questions) et surtout son histoire tendent à être explicités. Celui qui invente, observe et spécule se réinscrit dans le texte : il dit « je », il assume son point de vue.
  5. Le chercheur fait partie de ce qu’il dit. « Je » est toujours partie prenante de son récit. L’action narrative est la suite logique de cette refondation de la recherche : dans la progression du récit, les événements inscrits dans le temps s’enchaînent, l’expérience s’accumule. L’agent narratif s’implique activement et interprète son expérience : il accède à un fil narratif et développe sa capacité de mise en récit.
  6. Autre exigence pour le sujet, qui ne peut plus se cacher : le chercheur pratique la présence attentive (réduction phénoménologique). Il se rend présent à l’instant pour accéder à la connaissance vécue (épochè). Il se donne la possibilité de ne pas écraser immédiatement la réalité par une pensée et un langage déjà disponible. Il peut laisser son expérience intérieure du phénomène observé se déployer : l’écoute comme accès au réel, la subjectivité assumée et valorisée comme outil de connaissance.
  7. Le sujet gagne en puissance là où il pensait la perdre. Cette avancée exige du chercheur une transformation personnelle, l’accès à de nouveaux stades de développement de la conscience – et de la pratique – de soi.
  8. Les domaines scientifiques sont abordés par leurs noyaux et non par leurs frontières, dont le caractère flou est enfin reconnu. S’ils veulent être dans le réel, les chercheurs ne peuvent plus jouir en clans de leurs spécialités. Ils doivent s’autoriser à décloisonner les alvéoles disciplinaires grâce à la transversalité, source de fertilisation croisée.
  9. Les chercheurs partagent une curiosité foisonnante, innovante et un tantinet anarchiste. Leur démarches est transformatrice parce qu’elle renforce l’eros, au sens de pulsion de vie, dont la fonction est de lier des unités toujours plus grandes, pas de tout mettre dans des cases (catégorisation).
  10. La connaissance s’articule en rhizome : elle « pousse » à partir de pôles thématiques interconnectés, intégrés en constellations solidaires. « L’arbre est filiation, mais le rhizome est alliance. A la différence des arbres ou de leurs racines, le rhizome n’est pas fait d’unités, mais de dimensions, ou plutôt de directions mouvantes. »

« Il n’a pas de commencement ni de fin, mais toujours un milieu, par lequel il pousse et déborde. » « La pensée n’est pas arborescente, et le cerveau n’est pas une matière enracinée ni ramifiée. Beaucoup de gens ont un arbre planté dans la tête, mais le cerveau lui-même est une herbe beaucoup plus qu’un arbre. » – Gilles Deleuze et Félix Guattari

Par Matthieu Langeard, d’après Michel Foucault, Gilles Deleuze, Félix Guattari, Paul Ricoeur, Ursula Le Guin, Edgard Morin, Xavier Thévenot, Isabelle Stengers, Thobie Nathan, Pierre Vermersch, Natalie Depraz, Francisco Varela, Richard Sennett et Jean-Claude Ameisen et Paul Valadier.