FICHE SYNTHESE DU LIVRE « EMERGENCE DES VALEURS FEMININES DANS L’ENTREPRISE » DE MIKE BURKE ET PIERRE SARDA (EDITION DE BOECK 2007)
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Nous sommes en train de vivre un profond changement de société qui affecte la nature du pouvoir, la gestion des organisations et la conduite des entreprises. Dans pareil environnement en mutation chaque être humain peut développer son potentiel quasiment à l’infini, en utilisant les côtés masculins et féminin de sa personnalité. Notre Univers devenant de plus en plus complexe, instable et incertain, les valeurs masculines comme la rationalité, la force ou l’autorité hiérarchique et statutaire, exercées tant par les hommes que par les femmes ne suffisent plus, « l’autorité féminine » elle s’exprimera en terme d’influence, de leviers d’action indirects, de recours à la force psychologique et c’est là que la combinaison du masculin et du féminin fait merveille. Elle permet de ne pas confondre consensus et mollesse, écoute et indécision, charisme affectif et sentimentalisme.

Les termes « Masculin » « Féminin » de façon plus ou moins consciente constituent le centre de notre vie quotidienne et le pivot de nos activités sociales, cette distinction est un des principaux pivots de toute société. Les valeurs masculines dominent les sociétés occidentales aujourd’hui et depuis longtemps cependant, la mondialisation et les technologies de l’information tendent à démontrer que de nouvelles valeurs prenant en compte la flexibilité dans des situations particulières, sont porteuses de réussite alors que les attitudes d’hier conduisaient à la stagnation et à l’échec. Il est donc très probable que dans les milieux de travail modernes, les valeurs masculines de compétition céderont de plus en plus la place à des comportements plus féminins de coopération. Ces valeurs féminines ne sont pas des affects féminins ni des stéréotypes des émotions féminines et contrairement aux valeurs masculines, elles sont plus adaptables à l’ambivalence d’évènements imprévisibles et à l’ambiguïté des relations humaines. Cette tendance évolutive des valeurs dominantes de nos sociétés entrainera inévitablement une évolution du management dans les milieux de travail qu’ils soient traditionnels ou modernes.

Les valeurs « féminines » et « masculines »  ne renvoient pas aux femmes et aux hommes, mais à des comportements impliqués par nos cultures modernes qui nous font employer ces adjectifs pour qualifier ce que nous observons. Ces valeurs ont évolué jusqu’à tenir une place importante dans la société et aucune d’elle n’est ni supérieure ni inférieure à l’autre. Les valeurs d’un individu sont profondément enracinées dans son psychisme, et il peut toutefois choisir d’introduire l’un ou l’autre de ces systèmes de valeurs dans sa vie professionnelle ou personnelle une fois qu’il les a identifiés et compris.

Les valeurs masculines reposent sur 5 principes :
– Le principe de territoire : ce principe tient la force physique, les compétences guerrières et l’agressivité pour essentiels dans la défense et l’agrandissement du territoire.
– Le principe de différenciation : celui-ci tend à faire considérer que sa communauté est supérieure aux autres communautés, ce qui lui confère à ses yeux des droits comme celui d’imposer à autrui sa façon de penser.
– Le principe d’indépendance : principe selon lequel la liberté individuelle de choix, de pensée et de vie, impliquent l’idée que l’autonomie et l’autodétermination sont des contrepoids à l’autorité arbitraire et au conformisme social.
– Le principe de responsabilité : ce principe privilégie les valeurs de contrôle, de prévision, de calcul et de raison. C’est le principe des dirigeants de communauté qui s’arrogent le droit de contrôler et de maîtriser les activités de celle-ci au nom du devoir.
– Le principe d’autorité : dans ce principe le dirigeant ou chef est autorisé à exiger l’obéissance, la soumission et l’acceptation des ordres, au nom de l’intérêt de la communauté.

Les valeurs féminines se fondent également sur 5 principes :
– Le principe de maternité : dont les valeurs sont la retenue, la patience (grossesse), la collaboration (art d’élever les enfants), la participation et l’interdépendance (équilibre familial).
– Le principe de pouvoir naturel : dont les valeurs sont l’humilité, la capacité d’adaptation (saisons et cycles lunaires), l’endurance et la symbiose (gestation, influence du temps et relativité).
– Le principe de concorde : dont les valeurs sont l’indulgence, la réconciliation (besoin de paix pour élever une famille), la circonspection et l’influence latérale (recherche d’équilibre, coordination et priorité à l’intérêt collectif).
– Le principe de sororité : dont les valeurs sont fondées sur les alliances et le consensus (obligation pour les femmes de s’unir face aux pouvoir des hommes, besoin de réseaux solidaires, réciprocité).
– Le principe de force psychologique : dont les valeurs sont l’écoute, la sensibilité, la compassion et l’empathie (besoin de se défendre, capacité cognitive et introspection).

La responsabilisation dans les entreprises est une forme de délégation de pouvoir par laquelle un subordonné prend le contrôle d’un domaine opérationnel précis. Celui-ci devient alors responsable de ses résultats et reçoit le pouvoir de décider des modalités d’exécution de tâches spécifiques dans des limites bien définies. Cette responsabilisation pour réussir doit être intégrée dans un processus de travail collectif impliquant des collaborateurs animés d’une motivation similaire. Pour assurer sa mise en place elle doit comporter une face de « coaching » pour trouver, sélectionner et former des salariés autonomes et une face de « supervision » pour faire comprendre, évaluer et encourager la personne responsabilisée.

Les critères de l’efficacité tendent également à se modifier face à ce nouveau paradigme, le ratio produits/services et travail nécessaires pour produire n’étant plus un critère essentiel de performance, de nouveaux critères émergents tels que la qualité, la flexibilité, l’innovation ou l’unicité. Les décideurs se trouvent de plus en plus confrontés à des situations professionnelles qui ne peuvent plus être traité comme des choix de type oui/non, et à des éléments contradictoires. Ils doivent relever des défis quotidiens qui nécessitent un système de valeurs différent.

Deux grandes tendances transforment actuellement les structures des organisations : la mondialisation des marchés et l’informatisation des tâches ordinaires. La rigidité et les couts des politiques fondées sur l’autorité ont donné naissance à de nouvelles formes organisationnelles qui tiennent en haute estime la flexibilité et l’innovation, entre autres valeurs féminines. La plus importante de ces formes est le réseau.
L’environnement dynamique du réseau est implicitement orienté de la base vers le sommet. Des personnes pouvant n’avoir ni « rang », ni responsabilité opérationnelle peuvent prendre des décisions importantes. Cet environnement de réseau encourage donc les salariés des nouvelles organisations à être leur propre manager et établir leurs propres programmes. Aucun responsable « titulaire » ne détient d’autorité réelle dans un lieu central. On peut donc s’attendre à une diminution de la domination des valeurs masculines dans les réseaux, dans la mesure où le principe territorial masculin ne s’applique plus, où il existe une interdépendance réciproque, où les hiérarchies pyramidales perdent leur popularité et où le niveau de commandement et de contrôle tend à baisser.

Si l’intention d’évoluer, appliquée au changement de structure et d’organisation, est visible et importante et si elle se maintien sur une longue période, on sera tenté d’y voir l’expression de valeurs « masculines ». Si, au contraire, l’intention d’évoluer est presque invisible, ou qu’elle s’exprime de façon subtile, elle sera généralement perçue comme l’expression de valeurs « féminines ». C’est la raison pour laquelle les changements qui caractérisent l’évolution d’une entreprise sont traditionnellement qualifiés de « masculin » lorsqu’ils reflètent l’emploi de la force par les dirigeants, et de « féminins » lorsque l’intention d’évoluer, non immédiatement apparente, ne se relève qu’après appréciations de ses effets.
Lorsqu’une majorité de salariés baignent dans un environnement de valeurs féminines il en résulte que l’ensemble des collaborateurs bénéficieront tôt ou tard de la qualité des décisions prises, y compris de celles prises en dehors de l’organisation. Les concepteurs et les opérateurs de réseau sont généralement très partisans des valeurs féminines car ils reconnaissent que les bénéfices qui en résultent peuvent être impressionnants.
Les conflits peuvent améliorer l’efficacité d’une organisation en offrant aux salariés de celle-ci une chance d’identifier de mauvaises décisions prises par le passé ou des problèmes et des occasions jusque-là négligés. Leurs valeur réside dans le nouvel éclairage qu’ils apportent à des conditions de travail démodées et pérennes. Ils peuvent remettre en question l’autosatisfaction des services.

Deux méthodes viables de gestions des conflits existent, dans celle qualifiée de féminine il est rejeté la notion de conflits destructrices et de victoire clairement acquises. De façon idéale on évite la confrontation directe tout en encourageant finalement la discussion. L’approche des situations par les valeurs féminines implique davantage de diplomatie et encourage la retenue, la patience et les manœuvres d’évitement. Le management fondé sur les valeurs féminines suppose que les conflits soient vraiment résolus lorsque l’on conjugue l’identification de leurs causes et de leurs sources émotionnelles profondes, à une solution qui permet aux parties conflictuelles de se sentir satisfaites du résultat. L’emploi des valeurs féminines dans la gestion de conflits ne vise pas à éluder les problèmes, il incite à utiliser un angle d’approche différent pour contrer ses adversaires, surtout lorsqu’ils sont les plus forts.
Les valeurs qui sous-tendent les actions du leader peuvent s’interpréter comme un mélange de valeurs masculines et féminines : féminines si la substance est plus « nourrissante » que logique, masculines si l’action a pour but principal l’acquisition d’une autorité ou d’un pouvoir plus grand.

Les valeurs masculines généralement associées au leadership sont les suivantes :
– Le courage (ou absence de peur) ;
– l’audace ;
– la volonté ;
– l’autorité (ou le pouvoir) ;
– l’esprit de décision ;
– la générosité collective ;
– la stabilité ;
– l’intelligence logique ;
– la capacité de parler de façon convaincante ;
– la constance ;
Les valeurs féminines associées au leadership sont par contre :
– la persévérance ;
– la patience ;
– la générosité individuelle ;
– l’intelligence émotionnelle ;
– la capacité de séduction ;
– le sens de la psychologie ;
– la capacité d’écoute attentive ;
– l’acceptation de l’ambigüité et l’aisance dans une situation ambiguë.

Les valeurs masculines ont investi l’intégralité du monde du travail, les valeurs féminines elles, envahissent à présent chaque pouce du territoire masculin traditionnel, avec la subtilité et l’efficacité de la diplomatie féminine. Les hommes tendant à résister à cette contre-invasion en retardant l’ouverture aux femmes des bastions traditionnellement masculins.
Deux comportements ne peuvent cohabiter, les valeurs féminines (gagnant-gagnant) sont souvent désavantagées lorsqu’elles se heurtent directement à des valeurs masculines (gagnant-perdant). Après un premier temps, les partisans de solutions de ces dernières tendent à l’emporter sur ceux résultant des premières en imposant leurs points de vue et leurs solutions. Dans un même projet, dans une même équipe, l’approche gagnant-gagnant perdra logiquement face à l’approche gagnant-perdant adoptée par un autre leader. Les conséquences pour l’ensemble de l’organisation n’en sont pas toujours tragiques parce que les cultures d’entreprise qui privilégient les valeurs féminines corrigent rapidement les erreurs. La rivalité entre valeurs peut toutefois avoir un effet négatif durable sur de nombreux salariés.

Les leaders de la nouvelle génération, qui acceptent de partager le leadership avec d’autres salariés, doivent devenir de bons communicants et savoir motiver les autres. Cette « conversion » est difficile à expliquer aux leaders traditionnels qui perçoivent d’ordinaire des qualités telles que le courage et l’audace comme plus masculines que féminines.
Il existe 10 méthodes pour se faire obéir dans tous les contextes professionnels. On peut les situer sur une droite tracée entre
deux pôles en termes de style et de résultat : celui de l’exercice du pouvoir par la domination, qui usent d’intimidation,
de menaces et de sanctions, et celui de l’exercice du pouvoir par l’influence, fondé sur la perception qu’ont les salariés des
récompenses associés à l’obéissance aux instructions qu’ils reçoivent.

Les plans de carrières anciennement fondés sur une progression lente mais régulière vers l’accession à un rang et l’obtention de responsabilités sont remplacés par un nouveau processus impliquant des cycles de carrière plus courts caractérisés par la polyvalence, la mobilité et la flexibilité. Les employeurs sont maintenant obligés de demander à leurs employés d’accepter de travailler dans des « situations-frontières » d’une complexité, d’une diversité et d’une imprévisibilité croissantes. Pour faire face à ceux-ci les salariés doivent apprendre à gérer des situations instables pour lesquelles il n’existe pas de repères, maitriser les contradictions, dominer leurs intérêts personnels et développer des compétences de relation transversale dans toute l’organisation.
Ces problèmes rencontrés par les salariés leaders sont souvent définis et circonscrits de façon vague, quand ils ne sont pas ambigus et ambivalents. Les solutions sont plus faciles à identifier et à appliquer lorsque ces salariés sont inspirés par des valeurs féminines. De la même façon, les attitudes fondées sur des valeurs féminines sont bien adaptées à la résolution de problèmes définis de façon floue.
Si les salariés ne sont pas toujours conscients qu’ils travaillent au sein d’un « système de valeur », ils savent que leur entreprise a sa propre « culture », ses philosophies de fonctionnement particulières et une ambiance ou une « personnalité » à elle. Ces cultures ont un impact important sur les performances professionnelles. Elles ont un effet sur la fréquence des frictions entre groupes et sur le degré de cohérence de groupes de travail disparates. Divers types de cultures professionnelles encouragent et inspirent des systèmes de valeurs distincts, fondés sur des valeurs masculines ou féminines :

– les cultures narcissiques : isolationnisme, refus du changement, bureaucratiques, exigence de respect, etc
– les cultures défensives : préservation du patrimoine, transmission, réglementations strictes, austérité, puritanisme, etc.
– les cultures adaptatives : dynamique, indépendance, volontarisme, vision, implication individuelle, etc.
– les cultures de diaspora : répartition de la charge de travail, réciprocité, interdépendance, acceptation de la diversité, tolérance envers les points de vue dissonants, etc.

La réduction de la taille des entreprises tend à rendre les cultures professionnelles obsolètes ou insuffisantes. Instiller des valeurs féminines dans un environnement professionnel fonctionnant en réseau peut contribuer au succès des changements de cultures escomptés chez les parties prenantes du réseau.

Une révolution silencieuse est en cours dans le monde du travail aujourd’hui et on ne peut qu’être impressionné par la vitesse à laquelle les valeurs masculines cèdent du terrain devant un nouveau jeu de valeurs. Les valeurs féminines s’imposent de pleins droits en raison de leur potentiel de réponse aux priorités et aux méthodes professionnelles modernes. La promotion de valeurs fondées sur l’écoute, l’empathie et la psychologie, est un moyen efficace de répondre aux besoins et aux exigences des clients. Cette évolution favorise une compréhension intuitive des besoins futurs des clients et stimule les efforts d’intégration de ces besoins dans la conception des services. La prédominance des valeurs masculines sont dans une position bien plus faible.

L’élimination des valeurs masculines dans les milieux du travail n’est pas en soi désirable. Il faut considérer au contraire que la pratique alternée de valeurs masculines et féminines comme le meilleur moyen de faire face aux défis professionnels d’aujourd’hui. Les organisations professionnelles qui ne concilient ni ne conjuguent les deux principaux systèmes de valeurs, encourront à un moment ou à un autre un manque à gagner potentiel en termes de gains des salariés et de satisfaction des clients.

Les valeurs masculines et féminines sont finalement inséparables l’une de l’autre dans la mesure où elles sont complémentaires. Au sein de son organisation il est nécessaire de faire appel avec discernement et à un moment donné, au système de valeur susceptible de donner les meilleurs résultats.