« La vraie révolution en cours dans notre économie est celle de l’amour ». Ces propos sont de Philippe Lemoine, PDG de Laser. Le mot n’est plus tabou. Fort bien ! Reste à en trouver les modalités « pratiques » pour le créateur d’entreprise, dont le principal actif est immatériel : c’est son capital humain.
À ce stade, l’entrepreneur crée de la valeur partagée sous forme d’emplois et surtout de partenariats : il est le catalyseur de tout un écosystème. Certes, l’entrepreneuriat « relationnel » coûte en temps, mais quel excellent investissement : la croissance de l’entreprise est stimulée, les risques psychosociaux s’effondrent et une spirale vertueuse s’amorce.
Pour en expliciter les clés, Marguerite Hoppenot, fondatrice du mouvement Sève, peut nous aider. Sa pédagogie spirituelle colle à la vie quotidienne. Sa vocation initiale n’est rien moins que convertir à l’amour les milieux dirigeants ! Cette femme merveilleuse, progressiste (décédée en 2011, à 110 ans), était issue de la grande bourgeoisie parisienne. Dans les années 30, elle avait été bouleversée par la violence de la répression des manifestations ouvrières. Écoutons un peu l’un des rares maîtres spirituels chrétiens à être aussi… mère de famille : son approche exigeante est centrée sur la transformation personnelle. Sa pédagogie de vie se transmet au sein de groupes de parole dédiés aux particuliers et aux professionnels. Elle cherche à nous convertir à une seule chose, à nous-mêmes !
Un observateur attentif y retrouvera les recommandations des meilleurs manuels sur le management et le leadership… Le plus : cette approche prolonge celle des coachs. Elle nous montre à quel point la spiritualité est favorable à la relation.
Combiner savoir-être et professionnalisme
Selon Marguerite Hoppenot, il y a une tentation redoutable dans tout projet humain : celle d’un développement rapide, et superficiel (start-up… and down). L’expansion la plus durable est le fruit du rayonnement, de la contagion et de la communication de la vie. Une condition : le dirigeant doit consentir à s’affranchir du contrôle tyrannique, renoncer au passage en force, et faire son deuil du rapport de pouvoir.
Ici, nul dilettantisme ou amateurisme à craindre. Une exigence supplémentaire s’ajoute juste au meilleur professionnalisme : celle du savoir-être. Cette ascèse ne passe pas par une phobie de l’ego : il est vital, c’est notre squelette psychique. Selon Ronald Cohen (cofondateur d’Apax Partners), l’ego du dirigeant est « le carburant de l’organisation, et ne doit pas être sa boussole ». Le dirigeant ménage un espace vide au cœur de son cœur : ce dégagement permet la qualité de la rencontre avec les autres et l’échange authentique.
Quel est le principal actif d’une jeune entreprise ? Il est immatériel : c’est son capital humain. À ce stade, l’entrepreneur crée de la valeur partagée sous forme d’emplois et surtout de partenariats. Il est le gardien du plaisir et du sens que trouvent les parties prenantes à participer et collaborer : il est le catalyseur de tout un écosystème. S’il veut être véritablement « social », « solidaire » et « responsable », le dirigeant doit surtout se désinstaller dans ses certitudes pour recevoir l’autre. Sa plus grande force, c’est ce qu’il est : il se sert de son être en permanence, surtout aux moments-clés.
Établir un contact profond avec l’autre
Marguerite nous invite à rencontrer les êtres dans leur dimension invisible en ne s’arrêtant pas au visible. Comment établir avec l’autre un contact profond, dans une authenticité qui libère ? L’accueil d’un être n’est possible, dit-elle, que lorsque nous avons consenti à être libres de tout, et surtout de nous-mêmes.
Les clés se cachent dans les détails. La générosité est parfois plus facile sur babyloan.org qu’avec les gens qui nous sont proches. Le temps pour le contact humain ne nous est jamais donné : il faut le prendre. Que penser de celui qui investit 500 € dans un microcrédit à l’autre bout du monde et ne prend pas de nouvelles de la fille malade de son associé ?
Toute la portée de la relation se situe au niveau de la reconnaissance. Celle-ci revient à faire connaître deux fois : à soi-même et à l’autre. En s’émerveillant quand la beauté de l’autre se dévoile là où je ne l’attendais pas. Puis en lui faisant découvrir que dans ses actes il est habité par de l’humanité. L’économie du cœur est essentiellement échange, donc communion et communauté (terme devenu souvent… virtuel). « Ce don de Vie ne se produit jamais à sens unique. Nous ne devons donc pas chercher à donner ou à recevoir, mais seulement à être vraiment ouvert, tendu vers l’échange. L’amour seul sait dans quel sens il lui plaira, mystérieusement, de le réaliser » dit encore Marguerite Hoppenot.
Illustration : je suis en route vers un incubateur d’entreprises, je dois rencontrer son directeur. Il pleut, je suis stressé, crispé. Et puis soudain, je prends conscience de ce qui m’habite : je décide d’y aller sans attentes, pour faire connaissance. La rencontre se révèle agréable, facile et même passionnante. Je prends le temps d’être dans l’échange, attentif à l’attente secrète de l’autre : un accueil authentique. Et puis, surprise : il me propose un superbe projet. Mon cœur fait boum !
Développer sa conscience
L’éducation de l’être proposée ici à un objectif majeur : développer la conscience. Le dirigeant en est le premier bénéficiaire : seule la dimension de l’être peut orienter, et mettre en cohérence les différentes dimensions d’une vie d’humain. Votre puissance d’entrepreneur est dans votre pouvoir d’amour. Il permet la construction cohérente, l’ajustage progressif, des différentes dimensions de votre vie. En vous, et par contagion, autour de vous.
Dans une entreprise – au sein d’un écosystème de partenaires –, les « éléments de têtes » ont la responsabilité de la coordination et de la fidélité à l’ensemble. Certes, l’entrepreneuriat « relationnel » coûte en temps, mais quel excellent investissement : la croissance de l’entreprise est stimulée, et sécurisée, les risques psychosociaux s’effondrent et une spirale vertueuse s’amorce.
Agnès m’a aidé à préparer « Love Inside », elle est membre du mouvement Sève : « Dans la société où je travaillais, j’assurais l’interface entre deux services dont les objectifs de rentabilité semblaient s’opposer. Chacun de son côté disait souffrir, être malheureux à cause de l’autre. Nous avons pu transformer nos relations. Pendant un temps, j’ai organisé une réunion par mois autour d’un projet commun : comment devenir « heureux » soi-même, et comment participer à rendre « heureuse » l’équipe d’en face.
Comment être promoteur de croissance, pour une meilleure fécondité de l’entreprise ? Et les attitudes ont changé. Nous avons appris à nous connaître, à nous comprendre. Nous avons même célébré cette métamorphose par deux grands méchouis, au bord de la Seine ! Le PDG de notre multinationale est venu me demander mon « truc »… Je lui ai dit : « Le truc c’est eux, allez les rencontrer, ils vous diront ! » Et c’est ce qu’il a fait. L’attention à l’être est l’attente secrète de tous. L’amour ne s’impose pas, il se propose ».
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